FINE ARTS
27.06.2012, Conversation entre Michel Houellebecq et Stéphanie Moisdon
with
Michel Houellebecq,
Stéphanie Moisdon
27.06.2012, Conférence: Conversation entre
Michel Houellebecq et Stéphanie Moisdon
A l’occasion de l’exposition Le Monde comme volonté
et comme papier peint au Consortium de Dijon,
Michel Houellebecq, en conversation avec Stéphanie Moisdon, aborde les
questions des relations entre la représentation du travail et son esthétique,
tant dans son roman « La Carte et le
territoire » que dans l’exposition.
« LE MONDE COMME VOLONTE ET COMME PAPIER
PEINT »
Une exposition
d’après « La carte et le territoire », de Michel Houellebecq, commissariat :
Stéphanie Moisdon Le
personnage principal de « La carte et le territoire » de Michel Houellebecq
n’est pas un artiste mais un chauffe-eau. L’art contemporain n’est ni le sujet
ni le motif du livre mais la fin de l’âge industriel en Europe, la gloire du
capitalisme, son achèvement.
Au
travers de la description des périodes artistiques de Jed Martin, de son
exploration de la modernité et de sa fin, s’actualisent différentes
visions réalistes autour des notions de production, de travail, de métier,
de matière et de « technique ».
Plusieurs
passages du livre évoquent la présence des machines, des objets manufacturés,
au destin tragique, en voie de disparition, mais aussi des procédures, des
questions formelles (la représentation, la répétition, le report ou la
surimpression), des notions critiques ou politiques (l’utopie de Fourier,
l’architecture fonctionnaliste de Le Corbusier, l’invention des fabriques d’art
au temps de William Morris et des pré-raphaélites).
Dans
ce roman de courte anticipation, on peut voir le monde changer, la France se
transformer en une région agricole et touristique. Où l’auteur y décrit un
monde sans déterminisme, livré au hasard, aux pannes, où chaque existence,
individuelle et collective, peut à chaque instant bifurquer. Un temps
historique, dont la fin est celle de la victoire de la nature, indifférente au
drame humain, dernier atelier de Jed Martin.
Car
à la fin, les choses se dissolvent, « puis tout se calme, il n’y a plus
que des herbes agitées par le vent. Le triomphe de la végétation est
total. »
« Je
crois que j’en ai à peu près fini avec le monde comme narration – le monde des
romans et des films, le monde de la musique aussi. Je ne m’intéresse plus qu’au
monde comme juxtaposition – celui de la poésie, de la peinture »
(Michel
Houellebecq, « La carte et le territoire », éditions Flammarion, 2010, page
259)
« Plus
que de la science-fiction, Lafferty donne parfois l’impression de créer une
sorte de philosophie-fiction, unique en ce que la spéculation ontologique y
tient une place plus importante que les interrogations sociologiques,
psychologiques ou morales. Dans Le Monde comme volonté et papier peint (le
titre anglais, The World as Will and Wallpaper, donne de plus un effet
d’allitération), le narrateur, voulant explorer l’univers jusqu’à ses limites,
perçoit au bout d’un temps des répétitions, se retrouve dans des situations
similaires, et finit par prendre conscience que le monde est constitué
d’entités de petite taille, nées chacune d’un acte de volonté identique, et
indéfiniment répétées. »
(Michel Houellebecq, « Sortir du XXe
siècle », in « Lanzarote et autres textes », Librio 2002)
« Au
préalable, je vous demanderais d’étendre l’acception du mot « art » au-delà des
productions artistiques explicites, de façon à embrasser non seulement la
peinture, la sculpture et l’architecture, mais aussi les formes et les couleurs
de tous les biens domestiques, voire la disposition des champs pour le labour
ou la pâture, l’entretien des villes et de tous nos chemins, voies et routes ;
bref, d’étendre le sens du mot « art », jusqu’à englober la configuration de
tous les aspects extérieurs de notre vie. Je voudrais en effet vous persuader
qu’il n’existe rien de ce qui participe à notre environnement qui ne soit beau
ou laid, qui ne nous ennoblisse ou ne nous avilisse, qui ne constitue pour son
auteur ou bien un écrasant supplice, ou bien un plaisant réconfort. Qu’en
est-il donc de notre environnement actuel ? Quel bilan serons-nous en mesure de
dresser pour les générations futures de notre commerce avec la terre, une terre
que nos ancêtres nous ont transmise fort belle encore, malgré des millénaires
de guerroiement, de négligence, d’égoïsme ? »
(William Morris, “L’art en
ploutocratie”, conférence prononcée à l’Université d’Oxford, le 14 novembre
1883)