Etre réalisateur en 2018, c’est être un peu spirite. La raréfaction de l’objet film, humable, palpable, qui pèse dans la main, est un fait. Son lieu historique de diffusion, la salle de cinéma, est lui aussi en voie de disparition en Europe. Même les DVD, les clés USB sont les reliques du monde d’hier. Les ordinateurs modernes n’ont que faire des ports dans lesquels ces objets pourraient venir jeter l’ancre. Il n’y a plus guère de trace matérielle de la création cinématographique. Quelques données stockées sur un cloud à l’autre bout du monde, du vent dans un nuage.
Le travail du cinéaste, c’est donc de produire de l’invisible pour des âmes nomades, pour ne pas dire errantes, dans un bus à Tokyo ou un café à Denver. C’est parler aux esprits. Aucune nostalgie dans ce constat de l’époque, juste le désir de s’adapter au Zeitgeist.
A l’ECAL, nous aimons les objets. Comme Georges Perec qui était « tout entier du côté du langage qui entoure les choses, de ce qu’il y a en dessous, de tout ce qui les nourrit, de tout ce qu’on leur injecte ». Parce qu’il est une langue, le cinéma est matière. Il agglomère ce que nous sommes, nous les créateurs, nous les spectateurs, dans une communion de pensée. Pour témoigner de cette rencontre, il fallait bien un objet. Et le plus beau de tous : un livre. Pour dire ce qui nous nourrit, mais aussi ce que nous donnons à manger. Les rencontres, les essais, les tournages, les voyages, les débats qui font le corps vivant et vibrant de notre école.
Celui qui pose la seule question qui compte : pour qui fait-on quoi ? Que ce livre soit la planche Ouija qui nous permette de communiquer avec les esprits, d’ici et d’ailleurs, d’aujourd’hui comme de demain. Un grand merci à Rachel Noël, coordinatrice du Département Cinéma de l’ECAL, initiatrice et curatrice de ce premier tome. Ainsi qu’à toutes les contributrices et tous les contributeurs.
Lionel Baier / Responsable du Département Cinéma