« Je suis euro-africaine, née en Suisse et mon projet a été réalisé lors d’un voyage en Guinée Conakry. Dans ce travail, je me suis intéressée à la construction et à la déconstruction du corps ainsi qu’à la figure et à la représentation de l’invisible. J’ai étudié des artefacts de rites propres à la cosmologie des Guinéens; des statuettes qui font partie d’un dispositif cérémonial. Celles-ci sont d’un autre monde, elles sont les racines du vivant. Ainsi, d’une une certaine manière, j’ai cherché à toucher l’intouchable. Pudeur, chance, fécondité ou vecteur d’exorcisme, ces statuettes acquièrent une valeur culturelle à travers ce qu’elles représentent ou symbolisent. Avec ce travail, j’ai transformé ces objets, symboles cosmologiques d’une communauté, qui font traditionnellement sens lorsqu’ils sont activés dans le cadre de rituels. Ces objets font partie d’un tout duquel ils ne doivent pas être détachés, au risque de perdre toute valeur. Ils ne sont pas les dieux de cette communauté, mais leurs prières. Ils s’intègrent dans un ordre symbolique rigoureux, où chaque élément est à sa place. Ce sont des outils de rituel que j’ai animé, en mettant an scène des modèles vivants, et en quelque sorte, désacralisés, en leur donnant un autre sens, un sens inhabituel dans le contexte Guinéen. En recontextualisant ces objets sacrés à travers l’objectif, je les ai ramenés dans un dispositif destiné à des goûts et des choix esthétiques occidentaux. Ce regard photographique aimerait les faire parler de manière différente. Tout au long de mon travail sur le terrain, j’ai du faire face à des réactions quelquefois violentes de la part des Guinéens qui voyaient mes pratiques comme des formes de sacrilèges. Certains ont eu peur, étaient pris de stupeur. »